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15 mai 2013 3 15 /05 /mai /2013 19:23

ÇA GRIPPE POUR L’ANTIGRIPPE

 

Par J.-P. AUFFRET qui a déjà publié des articles fort bien documentés et pleins de bon sens sur l'excellent site de Sylvie Simon.

 

8 avril 2013

 

En France, la vaccination antigrippe est recommandée avec une insistance qui à elle seule doit éveiller la méfiance de l’honnête homme : spots publicitaires, dépêches et reportages, prospectus en pharmacie, bon de prise en charge adressé à domicile aux plus de 65 ans... À quoi s’ajoutent les incitations via le corps médical, médecins et désormais infirmières bénéficiant de primes pour atteindre l’objectif aussi magique que lucratif de 75 % de couverture vaccinale.

 

La campagne annuelle est de plus en plus pressante surtout après la cuvée spéciale 2009 et le fiasco d’anthologie de la campagne française contre la « gravissime » pandémie de la grippe A(H1N1), porcine ou mexicaine, qui devait surpasser la grippe espagnole dont le sinistre bilan enfle avec son ancienneté.

 

Malgré tant d’efforts, la couverture vaccinale moyenne en France contre la grippe est en baisse et, pour 2011-2012, ne représentait que 23,4 % de la population.

 

Au point qu’on décrète de nouvelles populations à risque pour renforcer la prescription : soit en 2012, femmes enceintes quel que soit l’âge de la grossesse et sans facteur de risque spécifique, personnes obèses avec IMC ≥ 40 kg/m2 avec ou sans pathologie associée.

 

L’empressement, évidemment impartial, des autorités sanitaires va de pair avec l’intérêt des producteurs de vaccins : grâce à son retour annuel et aux variations des virus, le vaccin antigrippe, diffusé principalement dans des pays à fort pouvoir d’achat (d’où de meilleures marges), représente mondialement environ 2,8 milliards de dollars (10 % du chiffre d’affaires des vaccins), malgré les réticences de la population.

 

grippe-gif-humour.gif

 

En France, la grippe 2012-2013 aurait coûté environ 220 millions d’euros (nous reviendrons sur ce montant) à l’Assurance maladie tous régimes confondus (sur 190 milliards) [1] : il faut bien s’interroger sur les bienfaits et les inconvénients (rares évidemment) de cet acte médical dont nous supportons le coût immédiat, mais éventuellement d’autres, plus diffus et qui n’apparaîtront que plus tard.

 

Examinons ce que nous apporte sur ce sujet angoissant la presse grand public, avec son habituelle force d’investigation et de sens critique.

 

D’abord, quelle est l’incidence de la grippe ?

 

Les chiffres alarmants sur le nombre de décès imputés à la grippe saisonnière foisonnent, malgré les nombreux démentis apportés. Avec les résultats de la grippe 2011-2012, en France, certains salivaient à l’évaluation éminemment complexe d’une surmortalité de 6 000 décès (toutes causes confondues !) durant la saison froide alors que la grippe n’aurait été responsable que de 52 décès (BEH 2012, n° 38 p. 426). Contre 312 morts pour 2009-2010 et 151 pour 2010-2011. Pour l’hiver 2012-2013, le bilan français est de 117 morts ! Malgré l’évidence, certaines publications cultivent la terreur de la grippe : 1 600 morts pour la Belgique  avec 11 millions d’habitants ! 1 500 décès pour la Suisse avec 8 millions d’habitants !

 

La grippe saisonnière ne ravage donc pas la population ! Mais certains persistent à dramatiser en sollicitant sans vergogne les statistiques !

 

Mais la grippe est pénible durant quelques jours pour l’individu atteint. Et les virus grippaux sont particulièrement inquiétants (et intéressants à la fois, pour les industriels) puisqu’ils mutent chaque année, annulant le bénéfice de l’hypothétique immunisation spontanée ou vaccinale de l’année précédente, et renouvelant la menace si l’épidémie passée n’a pas paru suffisamment meurtrière. Heureusement la Science veille et le chercheur tire parti de la circulation habituelle des virus pour identifier à l’avance les prochains agresseurs de l’humanité et les contrer en permettant aux industriels la mise en production du vaccin. Les virus se propageraient d’abord dans l’hémisphère sud, puis d’est en ouest dans l’hémisphère nord. Malgré les migrations millénaires des oiseaux, vecteurs probables de la maladie humaine (?), ce bel itinéraire et son déroulement risquent tout de même d’être perturbés par divers phénomènes climatiques, séismes ou pollutions industrielles. Qui plus est, la contamination interhumaine dépend chaque année davantage des déplacements aériens à longue distance : environ 2 milliards de déplacements par an pour une population de 8 milliards, ce qui même en corrigeant du fait des populations urbaines concernées, des saisons, de la sélection des voyageurs… ne peut manquer d’influer sur la diffusion tous azimuts de l’épidémie.

 

Face à tant d’incertitudes, comment ne pas s’étonner de tant de conviction quant aux virus à attendre à une saison donnée dans une région donnée (même étendue), à leur diffusion, à leur morbidité ? Fût-elle réelle, la menace apparaît déjà bien nébuleuse !

 

Les industriels, pardon, les experts, dominant ces incertitudes, déterminent chaque année un cocktail de virus (trois en général), leur nature et leurs proportions, comme on choisit les couleurs de la prochaine mode d’automne… plus de six mois à l’avance (pour 2013-2014, hémisphère nord, cf. OMS 8 mars 2013, vol. 88, 10, pp. 101-116). Malgré la variété des virus grippaux, la sélection parmi les plus récemment rencontrés ici et là permet un tiercé plausible : ce serait bien le diable qu’aucun ne se répande suffisamment pour accréditer la sagesse des experts et le mérite du vaccin dans la survie des populations bientôt infectées. Le tout pour fournir à l’adepte de la vaccination une panoplie de virus qu’il n’aurait jamais rencontrés sans le vaccin ! On a indiscutablement plus de chances d’atteindre une planète lointaine que de caractériser exactement la prochaine épidémie de grippe.

 

On n’en est pas moins sûr de savoir produire le vaccin efficace, car il l’est par hypothèse, comme on est sûr de son innocuité par définition. Reste que cette notion d’efficacité est loin d’être expliquée au grand public. La surprise fut donc forte d’apprendre, fin février 2013, que le vaccin était moins efficace qu’il n’était souhaité, et seulement fin mars, soit deux mois après la fin de la campagne de vaccination, que ce manque d’efficacité avait été constaté avant la mise sur le marché : mais celle-ci ne fut pas retardée dans l’intérêt supérieur de la santé publique, bien sûr, et pour ne pas angoisser davantage la population concernée. Nobles sentiments, récompensés par un juste chiffre d’affaires ! Le tout sans même aviser le corps médical d’assurer une surveillance particulière des patients à risque. Toujours par souci de ne pas inquiéter la population !

 

Voyez à quel point nous sommes bichonnés !

 

On ne se cache même plus d’avoir inoculé à près de 15 millions de personnes, probablement à risque, un produit non dépourvu d’inconvénients, et dont on savait qu’il ne présenterait pour elles, que peu d’intérêt, pour ne pas dire aucun ! Aurait-on souhaité cette baisse d’efficacité pour relever la perception du risque ?

 

Notons que cette baisse d’efficacité serait due à une mutation en cours de fabrication, un aléa de plus entre le cocktail réputé utile et le cocktail effectivement en circulation à l’hiver suivant. Et cela donne aussi à s’inquiéter des mutations qui pourraient se produire jusque dans l’organisme des bénéficiaires. Mutations inoffensives ? Qui peut répondre ?

 

Et qu’apprend-on finalement ? À la fin de l’épidémie 2012-2013 ? En France, 724 cas graves de grippe, dont 117 morts (InVS)[2].

 

Malheureusement pour les victimes, certes, mais, somme toute, rassurant pour le pays.

 

L’effet de la vaccination ? Après l’aveu d’inefficacité pour cette saison et le taux de couverture de 23,4 %, nous sommes sans doute proches de l’incidence qu’on constaterait sans vaccination ! Autrement dit, on peut encore une fois douter de l’intérêt de la vaccination pour la population générale.

 

vaccin-grippe.jpg

 

La vaccination aurait-elle été quand même efficace et particulièrement bien ciblée ? Certes, on arrive à une couverture de 83 % pour les résidents de maisons de retraite (mais 22 % pour le personnel), personnes réputées à risque, mais l’InVS ne publie pas l’incidence de la grippe ni sa mortalité pour la tranche d’âge correspondante.

 

Il se contente en effet d’indiquer 231 cas graves de plus de 65 ans. L’InVS ne publie pas davantage le taux de vaccinés parmi les personnes décédées.

 

Il nous indique cependant que 80 cas graves (11 %) étaient vaccinés, 448 autres (62 %) ne l’étaient pas, et le statut des 196 restants (27 %) est inconnu. Ce taux notable de « statut vaccinal inconnu » attire l’attention : y aurait-il réticence à noter qu’un individu vacciné devienne un cas grave de grippe ?

 

Si nous exceptons les « statut inconnu », restent 528 cas graves, dont 15 % étaient donc vaccinés. Nous sommes dans l’ordre de grandeur de la couverture en population générale, vu la taille de l’échantillon.

 

Essayons quelques recoupements.

 

1er recoupement : Pour la saison 2011-2012, le taux de couverture des plus de 65 ans était de 62 % : cette catégorie ayant apporté 231 cas graves en 2012-2013, on peut supputer que dans les plus de 65 ans, au moins 143 cas graves étaient vaccinés ; soit 20 % des cas graves, ce qui est très proche de la couverture de la population.

 

2e recoupement : on nous précise que 549 cas graves (77 %), dont 97 décès (83 % des décès) correspondent à des personnes à risque (vaccinées à 49 % pour la saison 2011-2012) : on peut supputer d’après les facteurs de gravité que le nombre de cas graves à risque vaccinés serait d’au moins 269 cas (soit 37 %, sensiblement au-dessus de la couverture générale) ; cette évaluation est très proche de la somme des cas graves vaccinés et de ceux à « statut inconnu », 80 + 296 = 276 : on peut penser que devant des cas particulièrement graves pour des sujets à risque, la priorité aura été donnée à l’examen clinique et aux soins, plutôt qu’à une information alors très accessoire.

 

Même si là encore les nombres ne permettent pas une conclusion ferme, on peut induire que ce n’est pas d’abord de la grippe qu’il faut se préoccuper, même si elle va apparaître comme facteur déclenchant. Ne nous sert-on pas tout à l’inverse que les scléroses en plaques après anti-hépatite B ne sont pas dues au vaccin, mais à une prédisposition des bénéficiaires, le vaccin risquant tout au plus d’activer cette prédisposition ?

 

Il serait cependant mal venu d’affirmer à partir de là que la vaccination antigrippale augmenterait la fréquence des cas graves, mais on peut confirmer que la vaccination renforcée des populations à risque ne réduit pas la gravité de la grippe même chez celles-ci.

 

L’efficacité affichée est estimée de façon très élastique, mêlant des résultats de laboratoire difficilement comparables à l’expérience sur le terrain, et des affirmations purement mercantiles : les taux de 60 % et plus largement diffusés sont battus en brèche et ramenés à 9 % et même 1,5 % (autant dire pas d’efficacité, vu les incertitudes sur les constatations) par de nombreuses études.

 

Intéressons-nous au coût direct de la campagne de vaccination dont nous venons de confirmer, s’il en était besoin, qu’elle est pratiquement dépourvue de bénéfices pour la santé publique. Prix public moyen de la dose de vaccin : 6,14 €. Coût de l’injection : prenons 11,50 €, moitié du tarif de consultation de généraliste conventionné, en considérant que la consultation aurait d’autres motivations. Soit 17,64 € par vacciné, qu’importe le mécanisme de prise en charge qui rend le coût de ce traitement annuel moins douloureux et surtout moins évident pour le vacciné. Pour une population d’environ 63,7 millions en France métropolitaine, le taux de 23,4 % conduit à 14,9 millions de vaccinés soit un coût direct de la vaccination en 2012 de 263 millions d’euros… au bas mot ! En pure perte d’après ce que nous venons de voir ! Déjà supérieur aux 220 millions liés au traitement de la grippe, cités plus haut. Et en supposant que les dépenses de promotion de la vaccination et les primes au corps médical vaccinateur sont prises en charge par les producteurs et les pharmaciens et par là incluses dans le prix de la dose, ce que nous n’avons pu vérifier.

 

À titre indicatif : l’épidémie de grippe 2012-2013 ayant touché plus de 3,5 millions de personnes (plus de 39 °C), l’Assurance maladie tous régimes aura dépensé 63 €/grippé (consultations, médicaments et indemnités journalières, lesquelles paraissent minimes grâce aux 3 jours de carence).

 

Une nouvelle fois, la politique de vaccination contre la grippe est loin de prouver son utilité pour la santé publique.

 

D’ores et déjà, le bon sens de la population et l’outrance de la campagne française anti-H1N1 semblent annoncer, pour l’antigrippe, la fin de 40 années de bourrage de crânes.

 


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