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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 20:47

Par Antoine Flahaut, 13 juin 2013

 

La ronde des virus grippaux ne s'arrêtera donc jamais ? Après les craintes et la mobilisation internationale contre le risque d'une émergence pandémique de la grippe avaire H5N1, dans le sud-est asiatique, au début des années 2000, la pandémie que je dénommerai "de la controverse" en 2009 prenant tout le monde à contre-sens, le virus étant d'origine porcine, venant du Mexique, et s'appelant H1N1, et faisant moins de victimes que la grippe saisonnière, voilà qu'une autre menace semble se profiler, avec le virus H7N9, d'origine chinoise. Que doit-on craindre au juste ?

 

Les directeurs du National Institute of Allergies and Infectious Diseases (composante du NIH) a publié en date du 5 juin dernier en accès libre (en anglais) un commentaire dans le New England Journal of Medicine faisant le point sur le sujet. Pour résumer la position des auteurs (dont le chercheur Jeffery Taubenberger), il y a 17 variantes de l'hémagglutinine et 10 neuraminidases (protéines de surface qui donnent respectivement les combinaisons de lettres et de chiffres Hx et Ny au sous-type viral), mais seuls trois sous-types de mémoire d'homme ont été responsables de pandémies de grippe chez l'homme, H1, H2, et H3. Les autres sous-types infectent les mammifères, les volailles et des oiseaux sauvages, mais pas l'homme. Des hommes peuvent occasionnellement être infectés au contact étroit avec des animaux porteurs, mais alors il s'agit d'un "cul de sac" virologique, la transmission inter-humaine ne se produit pas en aval. En effet, l'homme est alors exposé dans ces cas (H5N1 ou H7N9 par exemple) à une sorte de "douche" de particules virales et pour ainsi dire à une intoxication par le virus qui peine ensuite à se multiplier dans nos cellules, n'étant pas équipé pour le faire. Le virus n'a pas les clés pour rentrer dans nos cellules et faire fonctionner notre matériel génétique pour sa propre multiplication. Certes des mutations peuvent intervenir qui "humanisent" le virus. C'est ce qui se produit sur les souches les plus récentes de H7N9 que l'on a pu identifier chez des hommes. Mais on l'avait aussi repéré de telles mutations humanisantes pour d'autres souches de virus de grippe aviaire, comme H5N1, sans qu'à ce jour ces virus n'aient jamais acquis de potentiel pandémique. Les scientifiques sont donc divisés sur la question du risque pandémique. Les uns pensant qu'il n'y aura jamais d'autres pandémies que H1, H2, H3 qui diffèrent de ceux qui pensent au contraire qu'un jour viendra la mutation scélérate, celle qui autorisera la transmission inter-humaine (ce que des chercheurs hollando-américains pensent avoir mis au point en laboratoire de haute sécurité l'an dernier avec H5N1).

 

Les auteurs du billet du NEJM concluent quant à eux que même improbable, il est important de rester vigilants et de se préparer à une possible pandémie beaucoup plus meurtrière que celles que nous avons connues. En 1918, "seuls" 2% des personnes infectées en sont décédées, alors que la létalité est respectivement de 59 et 28% pour H5N1 et H7N9 actuellement.

 

Pour ma part, je rejoins ceux qui pensent que l'on joue un peu ici à se faire peur (nous soutenions cela déjà en 2003, au moment de l'émergence H5N1). Certes l'hypothèse d'un scénario catastrophe n'est pas impossible, mais quelle est la probabilité qu'il se produise ? Et pendant que l'on distrait les investissements et les énergies à se préparer dans un désert des Tartares, ou à construire je ne sais quelle ligne Maginot (= les plans pandémiques), on ne se prépare pas ou mal à affronter les grippes saisonnières qui chaque hiver fauchent de nombreuses victimes, engorgent les hôpitaux, représentent un coût considérable en termes d'arrêts de travail et d'hospitalisations évitables. Je rejoins aussi certains de mes collègues qui ont la conviction que personne ne sait se préparer aux véritables catastrophes (notamment à celles que l'on n'a jamais connues), mais que l'on ne porte pas assez d'intérêt ni d'investissements à se préparer aux scénarios plus banals et communs, que représentent les risques de tous les jours : les virus saisonniers de la grippe, des gastroentétites, des arborviroses (dengue, chikungunya), nos addictions au tabac, à l'alcool, aux matières grasses, sucrées et salées, à notre sédentarité... Peut-être parce que cela semble moins fun à beaucoup de nos élus et de leurs électeurs ? Peut-être aussi, parce que nous ne savons pas bien porter les messages associés à la "normalité", préférant de beaucoup les grandes peurs, les catastrophes improbables, les pestes noires...

 

Source: Les Carnets de l'Université Paris Descartes

 

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