16 mars 2011 (AFP)
Une agence sanitaire inefficace, une Haute autorité de santé qui n'a servi à rien, des experts discutables, le rapport du député Bernard Debré et de Philippe Even (Institut Necker) critique frontalement un système du médicament sous influence de l'industrie, après la crise du Mediator.
Leur rapport doit être remis ce mercredi au président Nicolas Sarkozy, qui leur avait confié une mission "pour assainir la filière du médicament", selon les termes du député UMP de Paris, ainsi qu'au ministre de la Santé, Xavier Bertrand.
Il s'agit, disent-ils, de "parler clair".
Pour les deux médecins, qui décrivent "un monde clos, fermé sur lui-même", "l'affaire du Mediator est beaucoup plus qu'un accident isolé, ne concernant qu'un laboratoire sans éthique". Il faut donc procéder à "une réforme complète des structures" et de leur fonctionnement, pour que cette affaire soit "le starter d'un véritable tournant".
Ils prennent particulièrement pour cibles la Haute autorité de santé (HAS), qui veille à la qualité de l'information médicale et suggère, par sa Commission de transparence, quels médicaments devraient être remboursés, et l'Afssaps (agence de sécurité sanitaire des produits de santé), dont la HAS a du mal à se démarquer.
"Meccano incompréhensible" avec "98 structures entrecroisées communiquant mal ou pas du tout", l'Afssaps doit changer de nom et être complètement remaniée. Ils relèvent qu' il y est beaucoup plus facile d'autoriser un médicament, ce qui nécessite seulement une "probabilité statistique de bénéfice/risque positif", que de le retirer du marché, où "il faut apporter la preuve absolue de sa toxicité".
"Un système où le principe de précaution fonctionne à l'envers, au bénéfice des industries et non des patients", disent les rapporteurs.
La Commission d'autorisation de mise sur le marché -qui n'a à voir que pour 20% des AMM des médicaments, le reste étant du ressort de l'Europe- est particulièrement critiquée, avec ses 28 membres "choisis sur des critères très contestables" et selon "des procédures opaques très choquantes", qui ne travaillent que "sur la seule base des dossiers fournis par l'industrie".
Les conflits d'intérêts sont monnaie courante, les auditions des experts ne sont pas publiques, les compte-rendus de séance sont "peu fidèles". "De nombreux membres ignorent presque tout du dossier sur lequel ils votent, et même de la pathologie en cause".
Quant à la Commission de pharmacovigilance, chargée de gérer les alertes éventuelles sur les médicaments, elle agit selon une procédure "extraordinairement lente", qui constitue "un véritable gymkhana, une course d'obstacles et de montagne par étapes, qui privilégie clairement l'intérêt des firmes et non celui des patients".
Le rapport parle de "la totale faillite de l'Afssaps", qui "au-delà du Médiator a échoué partout" "parce qu'elle n'a jamais eu de directions d'envergure" mais surtout parce que c'est "une usine à gaz", "un labyrinthe dont rien ne peut sortir".
Les rapporteurs avancent plusieurs propositions.
D'abord modifier le choix des experts, dont ni "la compétence", ni "l'indépendance" ne sont à la hauteur de la tâche, recrutés "selon des procédures mal définies", basées "sur la cooptation, le relationnel". Ils plaident pour une réglementation de la surveillance des conflits d'intérêts vraiment appliquée, et pour la nomination de quelques superexperts.
La HAS doit être recentrée sur sa mission globale de guide de l'exercice de la médecine et de l'organisation des soins. Et la commission de transparence doit revenir à la nouvelle Afssaps qui serait chargée aussi bien de l'évaluation que de la surveillance du médicament.
Source: La Dépêche.fr