Publié le 6 avril 2011 (Journal International de Médecine)
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Paris, le mercredi 6 avril 2011 – L’alerte avait été lancée dans la torpeur du mois d’août par les autorités sanitaires suédoises et finlandaises. Les deux pays faisaient état d’une suspicion d’augmentation des cas de narcolepsie chez des adolescents ayant été vaccinés contre la grippe H1N1 par Pandemrix (seul vaccin utilisé dans ces états nordiques). Des enquêtes étaient immédiatement lancées dans ces deux pays afin de disposer de données de pharmacovigilance plus étayées. Les verdicts ont été présentés il y a quelques semaines. Ce sont les autorités sanitaires finlandaises (le THL) qui se sont lancées les premières révélant que 60 enfants âgés de 4 à 19 ans avaient développé une narcolepsie après vaccination contre la grippe H1N1, soit un chiffre trois fois supérieur au nombre de cas recensés les années précédentes (dans une population équivalente). Le THL notait par ailleurs que quand la couverture vaccinale dans cette tranche d’âge avait atteint 70 %, elle grimpait jusqu’à 90 % chez les jeunes adolescents touchés par la narcolepsie. Aussi, aux yeux des autorités sanitaires finlandaises apparaît-il probable que ce phénomène soit lié à « l’effet conjoint du vaccin et d’un ou plusieurs autres facteurs ».
Plus récemment, à la fin du mois de mars, la Suède emboîtait le pas de la Finlande en publiant une étude estimant que le risque de narcolepsie apparaissait multiplié par quatre chez les moins de vingt ans ayant été vaccinés contre la grippe A (H1N1). Ces résultats incitèrent la Direction des affaires sanitaires et sociales suédoise à déconseiller l’administration du vaccin aux enfants et adolescents, tandis qu’une commission d’enquête était réclamée par certains parents d’enfants frappés par la narcolepsie. Une situation comparable semblait n’être constatée dans aucun autre pays. C’est ainsi que sur les 200 cas de narcolepsie recensés un à six mois après une vaccination contre la grippe A (H1N1) dans toute l’Europe, plus de la moitié (120) concerne ces deux états scandinaves. Doit-on y voir une spécificité liée à ces deux pays ? « On réfléchit actuellement à un éventuel facteur génétique ou bien à quelque chose qui se serait passé lors de la vaccination » précisait il y a quelques jours Ignemar Persson, expert suédois.
Ces recherches pourraient ne pas être essentielles alors que vient d’être révélée également en France une tendance à l’augmentation du nombre de cas de narcolepsie chez les adolescents vaccinés par le Pandemrix. A l’heure où la Suède et la Finlande lançaient leurs alertes, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) indiquait que six cas de narcolepsie avaient été rapportés après vaccination soit un nombre concordant parfaitement avec les incidences habituelles de cette maladie rare. Mais la réactualisation de ces données propose un bilan un peu différent. L’AFSSAPS indique tout d’abord que sur les 4 100 000 personnes vaccinées par Pandemrix, vingt-trois cas de narcolepsie ont été rapportés. Il s’agit d’un nombre tout à fait inférieur à celui observé en population générale (la France dénombre généralement neuf cent nouveaux cas de narcolepsie chaque année). Cependant, la situation est différente pour les enfants et adolescents âgés de 10 à 15 ans. Le nombre de narcolepsie attendu pour une population de 670 000 vaccinés aurait dû être de 2,1 : or neuf cas ont été enregistrés. Concernant ces chiffres, l’AFSSAPS se contente de préciser : « Ces données sont cohérentes avec celles observées en Suède, ce qui conforte l’hypothèse qu’il n’y pas de nombreux autres cas qui auraient été ignorés. La période de détection, elle aussi cohérente entre les pays, permet de poser l’hypothèse que la zone de risque de voir se développer une narcolepsie post vaccinale est maintenant dépassée ».
Pour l’heure et alors que la vaccination par Pandemrix n’est aujourd’hui plus d’actualité (la campagne de vaccination saisonnière qui s’est achevée il y a plusieurs semaines reposait sur un vaccin trivalent contenant la souche H1N1), l’AFSSAPS s’en tient à attendre « la réévaluation du rapport bénéfice/risque » du produit actuellement en cours par l’Agence européenne du médicament (EMA). Peut-être cette étude ou celle menée par l’European Center for Disease prevention and control permettra d’en savoir plus sur les mécanismes qui peuvent expliquer le développement d’un tel effet secondaire, totalement inattendu avec ce type de vaccination et qui semble n’avoir été observé qu’avec l’un des vaccins développés contre la grippe A (H1N1).
Les pistes d’une susceptibilité génétique et/ou d’ un rôle d’un des composants non viraux du vaccin mériteraient d’être explorées.
Aurélie Haroche