Interviewée le 21 octobre dernier sur France Inter, la pneumologue Irène Frachon a rappelé des éléments extrêmement importants en matière de conflits d'intérêts.
C'est ainsi qu'elle a notamment dit:
« Si je disais que: 1), j'ai collaboré avec l'industrie pharmaceutique et que je collabore toujours et :2) que ça n'a aucune influence sur ma conduite de médecin d'une manière générale, c'est que soit je suis hypocrite, soit je suis surtout complètement aveugle et au contraire, moi j'ai toujours eu le sentiment que effectivement à partir d'un certain niveau de collaboration, ça pouvait, ça avait une influence sur mon comportement médical... »
Ou encore ceci d'encore plus intéressant et de plus fondamental (et que beaucoup de gens ignorent ou dont ils ne tiennent pas compte):
« Ces industries qui vous font travailler en recherche, avec qui vous collaborez, vont vous inviter dans des colloques consacrés à l’étude de cette maladie et de ces traitements et ce sont des colloques passionnants où vous allez apprendre beaucoup de choses mais en même temps, vous allez devenir les porte-paroles de l’industrie pharmaceutique parce que vous allez pousser très loin l’analyse de cette molécule, rapporter vos expériences, l’échanger avec des collègues donc il y a des informations très importantes sur la connaissance de la maladie mais parallèlement, ces colloques organisés par l’industrie pharmaceutique vont aussi favoriser les thérapeutiques et donc les traitements et donc il y a une forme promotionnelle même si elle est « honnête ». Là, je vous parle des liens d’intérêts, je ne parle pas de corruption ou de quoi que ce soit, je parle des vrais liens d’intérêts, ceux qui sont dans la réalité, c'est-à-dire des choses dans le cadre de travaux intéressants, de travaux éventuellement fructueux, productifs mais qui vont être une forme de promotion de l’industrie pharmaceutique et de ses produits. Ca va parallèlement favoriser la prescription de ces médicaments. [ …] Ces colloques, c’est valorisant parce qu’on vous fait parler, vous devenez un peu ce qu’on appelle « un leader d’opinion », c'est-à-dire que si vous avez un peu travaillé le sujet, que vous commencez à avoir des choses intéressantes à dire, on vous fait parler en public et, il ne faut pas se voiler la face, on est content d’avoir une certaine autorité dans le domaine dans lequel on exerce professionnellement. Ca correspond aussi à une valorisation personnelle, enfin… c’est gratifiant. Et donc cette gratification, on la trouve dans cette collaboration avec l’industrie, au sein de ces colloques, qui vous font travailler, qui vous font progresser, qui vous font vous exprimer et en retour, vous allez avoir une certaine considération de ce que vous avez fait. Donc, tout cela est très positif mais, ce sont des valorisations qui ne sont pas totalement indépendantes de l’intérêt de ces laboratoires et de ces firmes. Mais de toute façon, accepter déjà de faire ces topos, même non rémunérés, qui vous donnent une petite tribune, aussi modeste soit-elle, c’est déjà un conflit d’intérêts parce que vous y avez déjà une valorisation qui n’est pas directement celle du patient. »