1er août 2012
H3N8 : la grippe tueuse de phoques épargnera-t-elle les Hommes ?
Par Janlou Chaput, Futura-Sciences
Lors du dernier trimestre 2011, une inquiétante mortalité parmi les phoques préoccupait les scientifiques. Le coupable a été identifié : il s’agit d’un variant H3N8 de la grippe aviaire, inconnu jusque-là. Peut-il se transmettre à l’Homme ? Quel danger représente-t-il ? Des questions qui restent encore sans réponse…
Les animaux ne sont pas toujours nos amis. Avant d’émerger chez l’Homme, de nombreuses maladies dévoilent leurs dangers dans une ou plusieurs autres espèces. C’est par exemple le cas du Sida qui nous vient du singe, du Sras repéré chez la civette et, bien sûr, de la grippe qui provient des oiseaux et transite parfois chez une espèce de mammifère avant de nous atteindre.
Après l’épisode H1N1, la grippe porcine, la maladie s’attaque depuis le dernier trimestre 2011 à des phoques, sous une nouvelle forme. Plagistes et surfeurs de la côte du nord-est des États-Unis ont signalé, à partir de septembre dernier, la présence de ces jeunes mammifères marins morts sur les rivages. En tout, 162 cadavres ont été récupérés, principalement des très jeunes individus de moins de 6 mois.
L’autopsie de cinq de ces corps a été réalisée par des scientifiques de la Columbia University de New York. Après séquençage, le coupable a été trouvé : il s’agit d’un variant inconnu de la grippe aviaire H3N8. Une telle découverte soulève de nombreuses interrogations. Comment le virus a-t-il pu passer de l'oiseau au phoque ? Peut-il aussi se transmettre à l’Homme ? Quel danger représenterait-il ?
Le H3N8 mutant tueur de bébés phoques
L’analyse plus précise du génome viral, détaillée dans la revue en libre accès mBio, montre que cette souche est voisine de celle qui circula dans des populations d'oiseaux nord-américains en 2002. Depuis, les chercheurs ont dénombré pas moins de 37 mutations (notamment au niveau des gènes Ha et Pb2, nécessaires respectivement à l’entrée du pathogène dans la cellule-hôte et sa réplication), dont certaines sont jugées importantes pour permettre au virus de se rendre de l’oiseau au mammifère.
Cette souche du virus de la grippe aviaire H8N3 n'avait jamais été observée auparavant. De ce fait, on ignore de quoi il est capable. Mieux vaut donc prévenir que guérir.
Une fois dans son hôte, le variant H3N8 s’attaque au système respiratoire en se liant aux récepteurs à l’acide sialique pour mieux pénétrer les muqueuses. Il cause des pneumonies sévères et des lésions cutanées. Les animaux retrouvés ne présentaient aucun signe de malnutrition, laissant penser que la dégradation menant à la mort a été rapide.
Une possible menace pour l’espèce humaine
L’émergence d’un nouveau virus de la grippe transmissible de l’oiseau au mammifère inquiète les spécialistes qui veulent suivre cette affaire de près. Pour l’heure, la maladie ne semble pas se transmettre d’un phoque à l’autre, un peu à l’instar de la grippe H5N1 qui ne se communique pas d'Homme à Homme. Mais les études polémiques de ces derniers mois montrent que cette transition ne nécessite que peu de mutations (quatre ou cinq) de la part du virus.
De ce fait, les virologues s’interrogent sur les effets d’une éventuelle persistance de la souche dans la population des phoques. Si elle continue à circuler, elle pourrait se transformer, et on ignore encore son résultat. De plus, le phoque, à l’instar du porc, peut être simultanément infecté par des virus de la grippe aviaire et des virus de la grippe des mammifères. Des recombinaisons et hybridations sont possibles, capables de donner naissance à de nouveaux variants.
Mais l’heure n’est pas à la panique. Aucun cas humain n’a été signalé, ainsi rien n’indique que cette souche soit transmissible à l’Homme. Et il y a déjà eu plusieurs épidémies de grippe H3N8 chez des chiens et des chevaux depuis les années 1960, mammifères autrement plus proches de nous au quotidien, sans que le virus ne nous infecte.
Cette étude nous permet de rester vigilants en suivant l’évolution de la souche H3N8 de près, afin d'anticiper une éventuelle épidémie mondiale. Comme dans tout jeu de stratégie, il faut systématiquement avoir un temps d’avance pour mieux battre son adversaire.
Source: Futura Sciences
Justement, en parlant d’anticipation des futures pandémies, un de nos récents articles évoquait le plan auquel rêvent visiblement certains officiels. Une vaccination pré-pandémique possiblement mondiale…